
1. JE SUIS COMME UN ENFANT qui n’a plus droit aux larmes
Je suis comme un enfant qui n’a plus droit aux larmes,
Conduis-moi au pays où vivent les braves gens
Conduis-moi dans la nuit, entoure-moi d’un charme,
Je voudrais rencontrer des êtres différents.
Je porte au fond de moi une ancienne espérance
Comme ces vieillards noirs, princes dans leur pays,
Qui balaient le métro avec indifférence ;
Comme moi ils sont seuls, comme moi ils sourient.

2. Je n’avais que dix-sept ans
Je n’avais que dix-sept ans,
Mourir sans faire l’amour
Me paraissait bien triste.
Faut-il toucher la mort
Pour connaître la vie ?
Nous avons tous des corps`
Fragiles, inassouvis.
Fin de soirée,
Les vagues glissent
Sur le métal du casino
Et le ciels vire à l’indigo,
Ta robe est très haut sur tes cuisses.
Camélia blanc dans une tresse
Des cheveux lourds et torsadés,
Ton corps frémit sous les caresses
Et la lune est apprivoisée.

3. La premier fois que j’ai fait l’amour
La première fois que j’ai fait l’amour c’était sur une plage,
Quelque part en Grèce
La nuit était tombée
Cela paraît romantique
Un peu exagéré
Mais cependant c’est vrai.
Et il y avait les vagues,
Toujours les vagues
Leur bruit était très doux
Mon destin était flou.
La veille au matin j’avais nagé vers une île
Qui me paraissait proche
Je n’ai pas atteint l’île
Il y avait un courant
Quelque chose de ce genre
Je ne pouvais pas revenir
Et j’ai bien cru mourir,
Je me sentais très triste
À l’idée de me noyer
La vie me semblait longue
Et très ensoleillée
Je n’avais que dix-sept ans,
Mourir sans faire l’amour
Me paraissait bien triste.
Faut-il toucher la mort
Pour atteindre la vie ?
Nous avons tous des corps
Fragile, inassouvis.
Lisez Non réconcilité, l’anthologie de Michel Houellebecq 1991-2013
Ou écoutez la lecture de deux poèmes par Michel Houellebecq lui-même à la fin de cette vidéo.